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Mémoires vives
4 avril 2006

CUBA, JE T'AIME !

Cuba, je t’aime !

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Calé dans un fauteuil, la canne à portée de main,  il attend notre visite avec impatience. Ce sympathique retraité du foyer la Montagnette, débordant de simplicité et de gentillesse garde  toujours sa bonne humeur et un mot taquin pour amuser ses camarades.

Dès notre arrivée, il nous observe des pieds à la tête, nous gratifiant d’un mot gentil ou d’un compliment flatteur. Sourire aux lèvres et l’accent chantant des gens ayant vécu dans les îles, Monsieur François Ibanez nous assure que notre compagnie lui apporte beaucoup de joie et de chaleur humaine.

Il est ravi de nous voir. Chacune de nos visites est un véritable moment de plaisir pour lui. Il se remémore de merveilleux souvenirs, du temps de son enfance à Cuba, l’Île qu’il a tant aimée.

« Je suis de cuba, je parle l’espagnol » nous répète t-il sans cesse, la mine joyeuse, esquissant un pas de salsa sur un air de musique imaginaire !

Le rythme de la danse cubaine, il ne l’a pas oublié. Ses origines espagnoles non plus. Ce teint basané, il le tient de sa mère originaire d’Alicante et de son père venant de Valencia. Tous les deux  mariés en Algérie.

François voit le jour au début des années 1900 à Alger. Peu à peu, il me raconte quelques moments importants de sa vie. Dans sa mémoire, les dates sont peu précises, mais les souvenirs eux restent gravés à jamais.

Il a à peine deux ans lorsque ses parents partent s’installer à Cuba. Malgré son jeune âge, François apprécie la vie dans ce pays toujours ensoleillé, où il n’y a pas d’hiver comme en France. La neige,  on ne la connaît pas ! Mais les vents et cyclones dévastateurs, les pluies torrentielles et les orages qui caractérisent ce climat tropical, il en a vu passer !

N’empêche, il a eu une vie très agréable et enrichissante, côtoyant une population composée en majorité de métis, des gens simples et formidables qui ont cette réputation d’être chaleureux et amicaux.

A la Havane, dans les années 30,  son père fonde une fabrique de meubles ayant comme associé son oncle. L’entreprise emploie des travailleurs cubains fidèles et dévoués. L’affaire prospère.

La famille achète alors une grande propriété. Autour de la jolie demeure créole s’étend un bois planté de fruitiers (manguiers, avocatiers, orangers, arbres à pain), plantes exotiques et quelques plants de canne à sucre essentiellement utilisés pour fabriquer les bons jus de fruits maison.

Sur la plantation, ils élèvent en toute liberté des chevaux, du bétail, des lapins et d’autres animaux domestiques. Dans la basse-cour s’ébattent des poules et diverses petites bêtes à plumes . Ils entretiennent aussi un grand potager où poussent toutes sortes de légumes verts, plantes grimpantes et herbes aromatiques. Du poisson et de nombreux produits de la mer sont présents dans les assiettes.

La cuisine créole cubaine est variée et très épicée. Ils ne manquent de rien à la maison. Même les confitures sont préparées à base de fruits frais tels que papaye, ananas, goyave, qui abondent en toute saison.

Mais, en ces temps là, la télévision reste rare et ils ne disposent que d’un poste de radio pour écouter les nouvelles.

Pour leurs loisirs, la famille monte un cabanon sur la plage, au milieu des cocotiers. Ils profitent du soleil de la mer et des baignades prolongées sur les bancs de sable blanc.

Pour protéger les baigneurs d’éventuelles attaques de requins, certaines plages sont encerclées  de filets. Il paraît que ces monstres marins se retournent sur le dos pour attaquer les nageurs. Mais ces derniers bien avertis arrivent à se sauver. Tout de même, les accidents restent rares.

Et le temps passe. Malgré un rythme de vie sans gros problème apparent, la mère de Monsieur Ibanez éprouve de la nostalgie à cause de la grand-mère qui est restée en Algérie.

Alors ils décident de quitter l’Île pour la rejoindre. Dans ces années là, le voyage ne se fait pratiquement qu’en bateau, et la traversée dure un bon mois.

En transitant par l’Espagne, la famille prend l’initiative de s’installer à Barcelone. Cela dure deux ans.

Peu après, nouveau départ. Cette fois ci ils posent bagages pour de bon en Algérie, à Bab El Oued.

Dans cette région, le père de François monte son entreprise d’ébénisterie. La vie reprend son cours, les enfants grandissent dans une atmosphère chaleureuse.

Pendant les grandes vacances tout le monde part, en Espagne ou en France, et en voiture « en changement d’air » comme disent les anciens.

Quant  à François, adolescent, il se rend avec des copains dans des clubs privés pour se détendre, s’amuser, tout cela dans la bonne humeur et l’insouciance de la jeunesse.

Le temps des responsabilités

Il a vingt ans lorsqu’il prend les commandes de l’entreprise à la mort de son père. Les responsabilités lui donnent une maturité et une assurance évidentes. L’arrivée de la deuxième guerre chamboule à nouveau sa vie. Il est affecté sous les drapeaux en Métropole. Il y restera cinq ans.

De retour en Algérie, il se remet à la tâche, se marie et fonde sa propre famille. Dans la grande maison dont il dispose, il réserve un appartement pour sa mère et sa sœur.

Il a le sens du devoir familial et du partage.

Pendant ses heures de liberté, il s’adonne à l’un de ses loisirs favoris, le tournage de films en amateur. Caméra en bandoulière, il arpente villes et villages et filme tout ce qui lui semble beau et intéressant.

Plus tard, dans les années soixante, dans la cohue et la précipitation, ils regagnent la Métropole et  s’installent à Grenoble.

Sur cette période, Monsieur Ibanez ne s’étend pas. Par contre, il est fier de me montrer son attestation de donneur de sang  bénévole, qui lui a été remise par le ministère des affaires sociales et qui lui a valu une médaille d’argent pour son courage et son dévouement et pour avoir sauvé des vies.

Aujourd’hui il se dit heureux et chanceux. Lors des grandes occasions il a la chance de se rendre chez ses enfants et petits enfants.

Grâce à Mémoires vives, je lui dédie ce récit, très court, de sa longue vie.

Céline

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